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    Blanche

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    Dans une brume laiteuse, au jour déclinant

    S'en vient l'ombre blanche à la fontaine prostrée

    Murmurant tel le roulis de l'eau sur son attente bridée

    Martyre anonyme de solitude, tout à son tourment

     

    Comme chaque soir elle attend, ivoire sentinelle de nuit

    Fardée de blanc, pierrot lunaire en demande d'ivresse

    Parmi les ombres encapuchonnées qui se pressent

    Elle disperse en gestes las les flocons de cendres d'un idéal enfui

    <o:p> </o:p>

    Sur la neige blanche des pas perdus, sa trace subsiste seule

    Des lueurs poudrées de la lune qui étire son sourire, croissant de peine

    Elle n'est attentive qu'à sa tâche immaculée sur le miroir des eaux sereines

    Dans le froid, son col d'hermine a la douceur glacée du linceul

    <o:p> </o:p>

    Mais rien de matériel ne la touche plus

    Reflets fugaces, impressions incarnées, blancs fantômes odorants  

    Saveur synesthésique d'un rayon de lune entre ses dents

    Ses cernes pourpres ensevelissent sa vue

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    Comme un appel d'océan, les fils iridescents de la lune blonde et lisse

    Se confondent dans l'eau de ses songes en reflets opalins

    C'est ici, à la croisée des souvenirs des errances sans fin

    Qu'elle s'imagine écume dans le sillage de son Ulysse

    <o:p> </o:p>

    Elle prie l'opacité du rêve, repousse la blancheur nocturne trop crue

    Au coin de ses yeux, gemmes éclatants embusqués,

    Deux larmes solitaires disjointes perlent, arc- en-cil embullés,

    Deux joyaux jumeaux dont les routes ne se croiseront plus

    <o:p> </o:p>

    Tout ce blanc... vortex givré, vision monochrome vertigineuse

     La mort viendrait-elle l'engloutir dans ses ténébreux soleils ?

    Où n'est-ce que lassitude enveloppée d'une chrysalide de sommeil ?

    La gracieuse étreinte ne s'offre qu'aux héros, pas aux discrètes pleureuses

    <o:p> </o:p>

    A la lisière de l'invisible monde, les portes du rêve ont dû s'ouvrir

    Ou peut-être est-ce venu de l'intérieur et des ses confins,

    Il brûle ses tempes, ce faisceau éblouissant qui n'éclaire rien

    Ses yeux clos ne trouvent pas de repos, la rémanence est son pire

    <o:p> </o:p>

    Retrouver la nuit, ouvrir ses yeux sur un ruissellement de larmes silencieux

    A travers les coulures brouillées, le décor n'a pas changé, pourtant...

    Autour d'elle, des nymphes livides aux corolles diaphanes dansant

    Cueillent des fleurs de temps enfui à la surface dormante des eaux bleues

    <o:p> </o:p>

    Le cercle de marbre blanc, éternel miroir de l'astre lunaire,

    Se fait écrin pour ses parures, bijoux forgés des larmes des mortels

    Larmes de joie ou de mélancolie, elle s'en empare et s'en pare, la belle

    Pleure donc les tempêtes de ton cœur, c'est nourriture pour sa lumière

    <o:p> </o:p>

    Le temps n'a plus de prise et la psyché improvisée se pave d'innombrables visages

    Se mouvant lentement, enchâssés, enchevêtrés, apaisés

    Pareils aux faciès mystérieux d'une multitude de créatures nacrées

    Ils flottent et se tordent aux courants incertains de leurs murmures sans âge

    <o:p> </o:p>

    Elle les observe à travers le rideau englué de ses cils trop lourds

    Maintenant furieux et apeurés, leurs bouches béantes et muettes se lèvent vers les dieux

    Ils renvoient à son regard, leurs regards vides en pleurs souterrains et envieux

    Leurs corps s'enlaçant vainement sous son corps statufié devenu sourd

    <o:p> </o:p>

    Elle est une fontaine désormais, c'est elle qui de tout son être ruisselle

    Au bout de cette nuit blanche dans la blanche nuit sans cœur

    Insulaire sans île emmurée dans sa cornaline de douleur

    Autour d'elle, des flaques irisées scintillent, tombantes aux racines du ciel

    <o:p> </o:p>

     Au matin, la nature en larmes recouvre de rosée l'empreinte sèche du chagrin de Niobé

    Plus d'oreille attentive pour son ruisseau d'alarmes qui s'infléchit et se perd

    Ses mots glacés, serments d'allégeance à personne, se délitent en éther

    L'aube se dresse, dévorante et cruelle, sur des espoirs encore noyés

    <o:p> </o:p>

    A-t-elle rêvé, peu lui importe, il faut maintenant qu'elle rentre

    La femme-poète qui de la lune nourrissait invariablement son ventre

    La femme-fontaine offre à la lune désormais toute son essence  

    Chaque nuit exige ses pleurs, poison de réminiscences

    Instillé à l'arme blanche

    Sa page à elle reste blanche.


    Ce texte existe sous la forme d'une nouvelle fantastique en prose... avis aux personnes intéressées.

    Ligeia


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  •  

    "Les anges ont eux aussi leurs diables, et les diables leurs anges."

    (Stanislaw Jerzy Lec)


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  • Précieuse

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>« Ce qu'il voulait, c'étaient des couleurs dont l'expression s'affirmât aux lumières factices des lampes (...) car il ne vivait guère que la nuit. » (Huysmans. A rebours.)

    <o:p> </o:p>Tu m'aimes comme ça, je le sais.
    Lorsque je sors pressée de la salle de bains et que je viens, comme un chat impatient, me sécher et m'alanguir près du feu.
    Je me dresse et offre impudiquement chaque parcelle humide de mon corps à la lueur brûlante des flammes, sarabande de nuances dorées et changeantes qui viennent parer ma peau nue. Tu es là, derrière moi, je sens ton regard glisser avec chaque goutte qui perle de mes cheveux, le long de mon dos pour s'attarder à la cambrure de mes reins puis, descendre encore... Intrépide voyageur, tu contemples ton décor, mon paysage mouvant.
    Tu m'aimes, précieuse.
    Vêtue de ma seule peau et de mes bijoux pour parure.
    Salomé artificieuse et passive. 
    Encadrée de ton univers familier, exposée sous un éclairage de choix, offerte à mille nuances possibles. Chaque recoin de moi t'appartient déjà : des petits diamants d'eau qui gouttent encore de mes cils en passant par chaque pierre rencontrée au détour d'une courbe, d'un creux.
    Tu les aimes, tous les feux qui pourront faire briller indéfiniment cet univers minéral dont tu m'as pourvue. Ceux des flammes, ceux de la lune qui nous observe, coquine, par l'étroite fenêtre. Entre la chaude lumière orangée du foyer qui danse côté face et la froide clarté sélène et bleutée qui m'enveloppe côté pile, je demeure immobile à ta vue, prisonnière consentante de mes entraves. De tes yeux d'esthète, tu quêtes la ligne, cette démarcation fictive entre les deux tons complémentaires qui illuminent mon corps en une exaltation réciproque
    Tu approches.
    Frissons anticipés.
    Dans le bleu...
    Ondoiements opalescents.
    Ton doigt suit tel un pinceau léger les sombres ramifications tribales qui ornent mon dos, contourne une hanche, égrène un à un les minuscules maillons de la chaîne d'or qui ceint ma taille, puis celle de ma cheville. Tu te redresses soudain et te plaque contre mon dos, levant mes bras obéissants au dessus de nous. Je sais que ton regard s'attarde sur le miroitement des joyaux disséminées sur mes doigts et mes poignets, mille étoiles toutes saphir à la face de l'astre  de la nuit.
    Frissons incarnés.
    Dans l'orangé...
    Sarabandes mordorées.
    Tes mains possessives soulignent les contours de mon visage brûlant, se perdent dans la jungle de ma chevelure qui se colle telle des langues humides à ma peau, à ta peau... tes doigts se rejoignent alors sur la rivière de ma gorge et tu englobes, comme un calice écarlate, ce bijou aux entrelacs compliqués que tu adores. Quand tu te décides à poursuivre le voyage, j'ose à peine respirer tellement le contact de tes mains fraîches sur ma peau ardente me saisit. Tu te repais de mon silence, de mon immobilité de statue docile. Comme l'artiste appliqué ou le géologue consciencieux, tu m'effleures patiemment, tu me sculptes et me dessines, tu recherches chaque empreinte, chaque braise chatoyante, chaque liqueur odorante que tu as semées pour les raviver du bout des yeux, des doigts, de la langue... à genoux devant moi, enivré de couleurs et de parfums, tu contemples enfin mon ventre comme le centre d'un monde. La lueur mate des volutes gravées dans ma chair, l'éclat mordoré de la chaîne, le rubis caché au creux du nombril... ta vue, tes mains se perdent et un instant, tu viens accrocher mon regard. Mais que pourrais-je y lire d'autre à ce moment-là ? Dans la pénombre, mes yeux d'obsidienne ne sont que deux trésors de plus à posséder.
    Ainsi tendue vers le ciel, en attente de toi, je me demande alors si tu ignores que les bijoux réels ou dessinés sont les multiples symboles du calvaire de Prométhée, enchaîné à la pierre, percé de plaies toujours béantes, tatoué de sang pour expier sa démesure, son envie d'homme, son vœu de possession.
    Je me demande également si toi, mon alchimiste, mon amant sophistiqué, tu pourrais m'aimer aussi sans paraître.
    Si tu me laissais un peu être...
    <o:p> </o:p>

    Ligeia


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  • Le spectre de la rose

    Soulève ta paupière close
    Qu'effleure un songe virginal ;
    Je suis le spectre d'une rose
    Que tu portais hier au bal.
    Tu me pris encore emperlée
    Des pleurs d'argent de l'arrosoir,
    Et parmi la fête étoilée
    Tu me promenas tout le soir.

    Ô toi qui de ma mort fus cause,
    Sans que tu puisses le chasser
    Toute la nuit mon spectre rose
    A ton chevet viendra danser.
    Mais ne crains rien, je ne réclame
    Ni messe, ni De Profundis ;
    Ce léger parfum est mon âme
    Et j'arrive du paradis.

    Mon destin fut digne d'envie :
    Pour avoir un trépas si beau,
    Plus d'un aurait donné sa vie,
    Car j'ai ta gorge pour tombeau,
    Et sur l'albâtre où je repose
    Un poète avec un baiser
    Ecrivit : Ci-gît une rose
    Que tous les rois vont jalouser.

    Théophile Gautier (1838)


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    La lune et l'enfance

    « Il est une fontaine à la margelle fleurie
    Autour de laquelle les fées au pied léger dansent en rond,
    Au clair de la lune, elles y baignent les enfants qu'elles ont capturés,
    Pour les débarrasser de leur écorce charnelle et les rendre immortels. »
    (John Fletcher. La Bergère fidèle)

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Pour l'enfant, la lune est souvent personnifiée, elle symbolise la puissance évocatrice du rêve, les voyages imaginaires sans limites, la frontière encore mince entre deux mondes, celui du réel et celui des songes.

    Dans les plus anciens mythes, la lune est déjà liée à l'enfant par la figure de la déesse Séléné :
    " La divine Séléné-aux-larges-ailes, après avoir baigné son blanc corps dans l'océan, revêtait des vêtements splendides, et s'élevait vers le ciel, emportée sur son char par de brillants coursiers".

    Du berger mortel Endymion, elle enfanta un fils, si « émerveillé des choses » qu'attiré par l'azur de la planète bleue il vint sur terre pour épouser une Fée. Depuis, toute sa descendance ne rêve qu'à la lune.

    On raconte que les enfants de la lune aujourd'hui sont des mortels élus par elle que l'on appelle Lorialets.
    Les Chroniques gargantuines précisent que le Lorialet (ou Lunatique) ne serait qu'un simple mortel enfanté par un caprice de la lune. On le reconnaîtrait à son allure rêveuse et débraillé, son regard enchanté et de fins poils nacrés recouvrant son corps et luisant à la lueur des étoiles.

    « Lorsqu'une femme se dénude à la lune en phase montante, elle s'expose à être Loarée, c'est-à-dire à être fécondée par l'esprit de la lune, et l'enfant naîtra sous son influence. Une femme qui accouche accidentellement dans un champ baigné par ses rayons mettra également au monde un enfant Lorialet- frappé par la lune. Ce Lorialet sera poète, musicien, vagabond ou chercheur de Fées. Il percevra l'invisible, le passé et l'avenir, et ses sentiments s'extérioriseront par la pluie et le beau temps. Comme tous les enfants enfaytés, il ne trouvera pas le bonheur sur terre et fi aura de cesse de courir les chemins lunescents à la recherche des royaumes féeriques. »

    Ligeia


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