• La Mante au fil des Jours


    La mante au fil des jours, (Roman de Christine Renard, 1977)
    une autre vision de la légende d'Erzsébet Bathory, dite
    « La Comtesse Sanglante »


    Un poète dit à Kali (déesse-Mère indienne) dans une vieille légende : « Ta forme est belle comme les nuages pluvieux mais tes pieds sont souillés du sang de tes fils. »[1]

    Cela signifie que la femme qui condamne l'homme à la finitude lui permet aussi la réalisation du désir charnel, la continuité d'une vie qu'il lui transmet.
    Ce phénomène symbolique est parfois utilisé dans la littérature par le biais de personnages féminins monstrueux ou simplement marqué par les stigmates anticipés de la mort comme une étrange vieillesse, une décrépitude, parfois des caractères maléfiques comme dans la Mante au fil des Jours.[2]
    Ces images conduisent tout droit aux fantasmes de dévoration psychopompe où la femme (vampire ou mante religieuse) absorbe l'énergie vitale, l'âme ou le sang de l'homme pour enfanter un nouvel être ou régénérer sa propre vie.
    Une grande part de peur réside dans l'élaboration de ces images, car la femme à laquelle l'homme se sent lié par nature est Autre et qu'il constitue la norme. L'excès même de ces connotations nécrophiles se réalisant pleinement dans la fiction montre qu'il cherche à l'éloigner encore davantage de lui-même, à l'assimiler totalement au Mal pour mieux s'assimiler lui-même au Bien.

    Ce retour au chaos est ainsi préfiguré dans La Mante au fil des Jours de Christine Renard ou l'on retrouve la figure romancée de la Comtesse Bathory dans le personnage-phénomène d'Elizabeth.[3] 

    Elle n'est pas un personnage féminin ouvertement monstrueux comme le suggère maladroitement le dessin de  couverture. Nous sommes bien dans l'univers fantastique où tout est suggéré et le doute règne en maître.

    Cette étrange jeune fille apparaît comme le double alternant d'une très vieille femme, la comtesse Somogyi qui se dit sa grand-mère.
    En fait, le récit s'organise autour de l'incertitude de Jacques, le personnage principal, qui ne les voit jamais ensemble et qui à plusieurs reprises sera victimes de cauchemars ou de rêves éveillés.
    Ici, le processus de transformation naturelle est inversé : Elizabeth a vraisemblablement besoin d'absorber du sang frais pour pouvoir conserver l'apparence de la jeunesse et son aristocratique beauté malgré ses deux cent cinquante deux ans présumés.
    Outre son vieillissement et son rajeunissement accélérés, Elizabeth est soupçonnée de métamorphoses tératologiques. Signes d'une monstruosité latente, la présence d'une pilosité excessive sur ses bras et ses jambes (que Jacques caresse furtivement dans l'obscurité) viennent témoigner d'une possible animalisation.
    De plus, le récit s'ouvre sur une vision surréaliste, celle du père du jeune homme qui « rêve » tous les soirs qu'une énorme mante religieuse surgit du dessous de son lit.
    Il finit par mourir de faiblesse et certains esprits pragmatiques diront à son psychanalyste que sa femme l'a empoisonné, d'autres, plus imaginatifs, lui affirmeront qu'il a été dévoré par une mante religieuse.
    Dans ce conte, toutes les métamorphoses sont suggérées et traitées dans un cadre fantastique : naturelle, accélérée, inversée dans le règne de l'humain ; surnaturelle dans le règne animal.
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    Mort et sexualité sont les deux bornes entre lesquelles évolue la créature féminine toujours changeante : brutale et douce, belle et monstrueuse...

    Ligeia



    [1] Willis, R. Mythologies du monde entier. (p.71)

    [2] Renard, C. La Mante au fil des jours. 1977.  Fleuve Noir. 1998.

    [3] Renard, C. La Mante au fil des Jours, (1977) op. cit.



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  • Commentaires

    1
    Dimanche 16 Septembre 2007 à 10:06
    Fantaisie associative !
    Mort et sexualité... Brutale et douce... Belle et monstrueuse... Ces mélanges m'inspirent une vision surréaliste : Une brutale belle mort en commun avec une douce monstrueuse sexualité... C'est toujours l'instinct de la survie de l'espèce qui l'emporte... L'homme n'est qu'un instrument, alors qu'il soit vampirisé ou dévoré, peu importe, son rôle est achevé et un autre continuera à le remplir... Bien à vous Ligeia. Armanny
    2
    Ligeia
    Dimanche 16 Septembre 2007 à 14:01
    Vu juste
    Comme toujours votre vision (surréaliste, présentement) s'accorde à la mienne... merci de votre visite sur cet ancien article. Belle journée. Ligeia
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