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Par
ligeia77 le
14 Mai 2007 à 16:41
Le venin
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«Qu'il est divin le vide qui suit la disparition de la peur.» (Anne Rice. Le violon.)
Elle s'était longuement, patiemment préparée ce soir,
Parée de ses plus beaux atours, elle scrutait en vain ce miroir
Autour de sa beauté, cet écrin de cornaline aux motifs de mandragore
« Doux végétal à la plus pure des sèves », ricana-t-elle, s'entêtant de fleur de mysore
Orientale essence qui ruissela de sa gorge à ses seins
« Oui, il va me désirer, c'est certain... »
Rictus amer, fiel du remords
Elle n'a rien fait mais il est là, encore...
Transition
Froide effusion
Au cœur de la nuit, elle le précéda, paupières baissées, vers l'antichambre des vices
Troublante extase qui l'envahit déjà, dès lors qu'il leva les yeux sur ses artifices
Peau de nacre, regard ombrageux et félin de ses prunelles d'améthyste
Une étrange fascination l'avait soulevé et emporté vers elle, sans qu'il résiste.
Lui, le chasseur, l'amant surdoué, il voulait en faire sa proie et l'initier aux supplices
Et devant tant de grâce exhalée, il devinait déjà comment la plier à ses désirs délices
Parfums âcres de l'encens,
Promesses de muscs plus envoûtants,
Ils sont là, face à face, dans la chaude et parcellaire clarté des bougies
Il va la soumettre, pense-t-il, vorace, car la solitaire se détourne soudain de lui
Tel un rapace éperdu de désir, il fond et s'effondre tout contre elle
Confusions, contusions, le jeu commence car elle se débat, la belle
Tout à son excitant combat, il éloigne avec violence, comme un sentiment incongru
Le frisson étrange et glacé mêlé de désir qui parcourt son épine dorsale depuis qu'il l'a vue
Quand, à nouveau, leurs regards se percutent, le temps semble s'immobiliser
Sans parler, la mutine l'enlaisse, du bout des cils : « à moi de te guider... »
Etrange voix muette venue d'ailleurs qui souffle ses litanies à son oreille
Obéissant et zélé, le mâle hypnotisé suit sa belle au jardin des merveilles :
« De tes mains, délace, puis délasse de délices »
« De ta langue serpentine, glisse, coulisse »
« De tes mains, de ta langue, inflige de doux sévices »
« De tout ton être, tu tends déjà vers ce mystérieux calice »
Le poison des mots s'instille jusque sous sa peau, corps et voix, elle l'envoûte,
Arc-boutée sur son visage, ondulante comme la flamme du foyer, elle veut qu'il la goûte
Amateur de saveurs interdites, il la laisse déverser son suc sur ses lèvres entrouvertes
Il la boit comme il sait si bien déguster la fée verte
« Oublie, oublie, chante la voix cristalline »
« Oublie tes peurs puisque si douce est la cyprine... »
Sous la lourde chevelure parsemée de nacres qui le caresse à présent,
Il ne voit pas tout de suite la peau, ambre douce et lisse, désirée si longtemps,
Soudain délétère, se nécroser, se tendre et s'avilir
Pour enfin la trahir
Devant le regard médusé de son amant se dévoile sa nature
« Vite, que l'instant - extase succède à l'horreur ! » prie l'impure
Pathétique prière, à qui ? Pour qui ?
Pour elle qui prend des vies ?
Il y a si longtemps qu'ont germé en elle les graines de ce Mal
Il croît et se renforce comme une lèpre avide, animale
Pour ne pas vieillir
Pour ne pas mourir
Au terme de la danse éternelle des amoureux de l'ombre
Elle dévoile enfin ses dents, perles ivoires que jamais elle ne montre
Pour les enfoncer dans le fin réseau bleu qui palpite à la gorge figée de son amant
Larmes d'extase et de rage mêlées, elle se délecte alors de la saveur métallique du sang,
Sa sève, sa plaie originelle,
La vie coule à nouveau en elle,
Vide divin, toute peur enfuie,
Pour elle, pour lui,
Le doux venin de l'oubli.
Ligeia
<o:p>Ce texte existe sous la forme d'une nouvelle en prose plus longue... avis aux personnes intéressées.
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