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Simone de Beauvoir
"Dans les sociétés où l'homme adore ces mystères, la femme est, à cause de ses vertus, associée au culte et vénérée comme prêtresse ; mais quand il lutte pour faire triompher la société sur la nature, la raison sur la vie, la volonté sur le donné inerte, la femme est regardée comme sorcière." ("Le deuxième Sexe". Folio. p. 273)
Cette phrase de Simone de Beauvoir (dont on parle beaucoup à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance) pourrait être le principe implicite que nos sociétés ont de tout temps soufflé aux oreilles des hommes qui les dirigeaient. C'est le regard masculin qui a forgé l'image de la femme : N'est pas Déesse ou Sorcière qui veut !
Avant même d'évoquer ce qui caractérise le personnage féminin en art ou littérature, il faut nécessairement considérer son statut social : même vénérée, même protégée, elle est et a toujours été l'« Autre », un être inférieur. Pourquoi ?
Parce qu'en Occident et presque partout, même aujourd'hui, les sociétés sont patriarcales. Fonder une société exige le conflit, la force et de par sa nature, la seule chose qu'une femme est censée fonder est une famille.
On redoute qui l'on domine, on l'ignore aussi.
A tous ces titres, il est bien plus commode de ranger l'Autre, de se le représenter avec des attributs définis qui en abolissent le mystère, qui le fixent à jamais dans l'infériorité.
L'intuition, les défenses, les non-dits, la mascarade des apparences, autant d'attitudes que l'on a pu attribuer à la femme, sous-tendent en fait un danger plus insidieux, plus menaçant.
Ils sont les expressions de son mystère.
En effet, pendant des siècles, toute fille d'Eve était un « piège de Satan[1] » et cette malédiction vient du plus profond des âges.
Avec la Création naît la séduction, la tentation, le désir de connaissance de l'Autre, le désir tout court. Et avec la séduction naît l'artifice qu'elle revêt pour s'exercer sur l'esprit et le corps de l'homme. Qui pouvait mieux que la femme incarner dans nos cosmogonies l'idée d'un Mal tentateur ?
L'attirance n'est pas dévotion et elle peut tout naturellement être associée à la présence de Satan dont Todorov dit qu'il pourrait être simplement nommé le Désir.
Pourquoi et comment la féminité a été et demeure encore aujourd'hui sourdement, profondément ressentie par l'homme comme Mal ? Un Mal nécessaire, fascinant, désirable ... (et la liste n'est pas exhaustive) certes, mais un mal tout de même qui prend sa source dans ce que l'Homme a de plus profond et de plus obscur en lui-même et que l'on pourrait appeler l'inconscient collectif. Inconscient qui fonde ses représentations dans le mythe. Ce Mal, la femme n'est pas accusée de le commettre, mais de l'incarner. Incarner, c'est donner chair. Le Mal consiste à revêtir de chair, à figer ce qui est de l'ordre du désir et de la parole. Si elle l'incarne, c'est dans son corps ; et c'est précisément ce corps, comme objet de désir et de répulsion qui sera exploité, décrit, fragmenté, appréhendé, craint, rêvé par de grands auteurs.
A propos de la sexualité féminine, Freud employait la désormais célèbre formule de « continent noir. » Théoricien du psychisme, de l'inconscient mais également du Fantastique, il nous apporte une définition de ce sentiment que l'on projettera sur le genre lui-même, celle de l'« Unheimliche », ou l'inquiétante étrangeté[2]. Elle est celle d'une étrangeté (sexuelle) de la femme décrite en terme de race comme l'absolument Autre.
Cette étrangeté, cette mise à distance est aussi proximité violente d'un « double » de soi-même : autre côté, autre race, métaphore du dehors, de l'en-deça, de l'inessentiel ou du différent au plus profond de soi. Cette image, qui définit la femme comme définitivement Autre dans l'inconscient du sujet, la rend objet ; la réifie et donc l'éloigne, la soumet. Mais c'est aussi celle de cette terre sombre, « noire » au second sens du terme. Une terre de ténèbres, un lointain ailleurs, cet Autre inconnu qui a de tout temps à la fois terrifié et fasciné l'homme.
Les mythes forgés par ce dernier sur la femme à travers les religions, les coutumes et les littératures prennent leurs racines dans cet inconscient qui assimile de façon séculaire l'Etranger(e) à l'Etrange et par là-même au Mal.
Le regard de cette grande dame que fut Simone de Beauvoir sur la condition féminine est assimilé à un "raz-de-marée" pour certains dont je fais partie, à "un coup d'épée dans l'eau" pour d'autre. Toutefois, un pas fut franchi avec "Le deuxième Sexe" en 1949, les mentalités ont évolué certes mais il reste encore du chemin à parcourir dans la compréhension et l'acceptation de l'égalité comme des différences.
Ligeia
[1] Article « la sexualité féminine » .Encyclopédie Universalis CD-Rom 1998.
[2] Freud, S. L'inquiètante étrangeté. Gallimard. Collection « Connaissance de l'inconscient ». 1985.
Tags : déesse, femme, mal, lilith, féminisme, religion, ève, altérité, péché, simone de beauvoir, sorcière, mentalités, deuxième sexe
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Commentaires
2SaltimbanqueVendredi 11 Janvier 2008 à 16:36Le pouvoir de la femme..
...est de se plier à l'exigence de l'Homme, ce dernier n'aimant pas être dépassé...d'ailleus bons nombres de femmes furent brûlées en tant que sorcières au moyen âge, car elles avaient le pouvoir de guérison via les plantes, ainsi la phytothérapie fit son apparition. Mais l'Homme excédé par cette découverte trouva un moyen pour s'accaparer de cette science infuse qui fut inventé par les femmes, celles dont l'Homme disait: "l'être inférieur"...quoiqu'aujourd'hui, on en trouve encore quelques spécimens que l'on appelle d'ailleurs: MACHO!! BizSimone...
De Pochoir ! Une femme soumise à JPS, mais rebelle et prêtresse de l'émancipation, " Pas encore dans la parité lumineuse à l'heure présente ", des femmes. Avant, SdB,la femme craignait l'homme, depuis l'homme craint la femme. La monoparentalité a explosé depuis ! A quand " L'hermaphrodisme " ou " l'escargonisme " médical ! Bientôt le désir d'enfant ne serra plus que le luxe des seules depuis la nuit des temps, naturelles génitrices ! Un couple sur trois divorce, en ayant des enfants ! Pourtant, je ne suis pas concerné au premier chef, mais quel gachis " Affectif " ! A 50 ans, je préfère terminer mon existence seul et je n'arrive pas à comprendre " POURQUOI, je suis resté un amoureux fou de la femme ? ". SdB st JPS n'avaient pas d'enfants ! Soit par choix ou par stérilité politico-médico-littéraire ! Je n'adhère pas aux gens, donneurs de philosophie qui se complaisent dans leur égoîsme existentiel ! Bien à vous Ligeia. Armannysalut
après une rude journée de travail cérébral je n'ai aucune envie de disserter!!! bisou quand même!!coucou
je viens te souhaiter une trés bonne soirée, j'aime bien ce texte, comme beaucoup d'autres sur ce blog, bisous et amitié.6EldarrSamedi 12 Janvier 2008 à 16:06Bonjour
Un superbe texte, article ? que tu nous laisses là ! Je ne commenterais pas ici l'ayant déjà fait sur plusieur autres de tes textes qui évoquaient ce sujet qui me tien à coeur. Toujours un plaisir de passer par chez toi. Je te souhaite un bon Week-end.:)
c'est toujours un plaisir de passer par ici... j'espere que le cd de tarja ne vous a pas déçue...fée sans vents
coucou. he oui, je suis enfin en vacances pour 2 semaines. alors je passerai aussi souvent que possible pour faire un petit coucou et mettre à jour mon blog. bon dimanche! bise d'une fée.quel...quel...récit !!
le sexualité féminine m'intérresse beaucoup. Il est vrai que nous les femmes nous nous sommes fort "expansées" bisous de la nuit13vinceMercredi 16 Janvier 2008 à 18:02point de vue
la femme est l avenir de l homme mai trop peut d hommes le savent. bise a toi et les tien a plusJ'ai trouvé un peu dommage
que le Nouvel Obs titre sur son cul...La couv facile alors qu'il y a mieux à dire sur elle.en attendant
que tu te remettes de tes peines, je me fais un peu de pub en te laissant mon nouveau site http://www.blogg.org/blog-70347.html . bizoux d'une fée18DéboSamedi 22 Mars 2008 à 14:00citation
"Le Mal, la femme n'est pas accusée de le commettre mais de l'incarner". Pouvez-vous me dire qui est l'auteur de cette citation ? Merci d'avance.
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je dois filer au travail trop long pour que je puisse lire mais promis ce soir :) bisous @+