• Sauve-moi

    Sauve-moi du pays des ombres et de l'hiver où je glisse inexorablement
    Chaque jour m'éloigne un peu plus de moi-même
    Et si tu m'aimes...
    Sauve-moi, vers l'enfance me renvoyant

    Montre-moi ce que j'étais sans carapace hostile ou aguicheuse.
    Comme l'avènement de mai, je serai là lorsque tu diras « Assez ! »
    Qu'il est temps de retrouver un printemps pour nos deux cœurs fatigués
    De songer à l'été qui réunit et enserre fertilement les graines hasardeuses.

    Puits de richesse né, mon sanctuaire peu à peu s'est glacé.
    Morne vie de solitude en cocon bourdonnant et peuplé ...
    Des fantômes passent et se répondent, me frôlent sans jamais m'assouvir.
    Où peut tendre mon âme si elle n'a pas trouvé sa jumelle en désirs ?


    Tout ce qui a marché en moi a toujours marché seul, en vaines attentes.
    Pas de réponses à mes suppliques, mon amour se donne et se noie.
    Pas de semonces à mes répliques, mon âme se tord et se boit
    De quête constante de l'idéal en concessions apparentes.


    Mes monts et mes vallons vierges ont disparu pour toujours, bridés d'ailes
    C'est une plaine asséchée qui me renvoie son image, lorsque je sonde les reflets qui me flagellent...
    Ces implacables miroirs  où les coulures des fards brillent odieusement!
    Des Beautés que je perçois encore, rien à partager véritablement.

    Aucun œil affuté pour voir le paradis près de moi.
    Et il est si près pourtant, pourquoi ne le voit-on pas ?
    Mon heure est encore à venir,
    Je veux être présente avenir...

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    Alors, sauve-moi !

    Ligeia


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  • Affaissement

    J'ai vu le soleil haineux germer ou sombrer
    Dardant sur moi son vert faisceau
    Fugitive vanité<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    J'ai vu la lune insolente peindre la nuit
    Engendrer l'assassin ou les fleurs
    Caresses enfuies

    J'ai senti le doucereux vent de l'oubli si pur
    Entrebâiller mes plaies exsangues
    Fraîches sutures

    J'ai senti la beauté du monde entre mes mains
    Exulter, frénétique et féconde glissade
    Effondrement certain

    Je n'ai pas vu la poussière suspendue à des fils
    Refléter l'aveuglant désordre organisé
    Chef d'orchestre habile

    Je n'ai pas vu que mes yeux choisissaient de la nuit
    Le fluide lunaire le plus envoûtant
    Parfum d'envie

    Je n'ai pas senti l'odieuse et charmante déliquescence
    De ce souffle que l'on s'imagine divin
    Fuite de l'Essence

    Je n'ai pas senti le rongeur avide d'inconscient
    S'acharner sur mes contemplations
    Retour au néant

    Il est déjà trop tard pour voir
    Chaque plaie acceptable et sûre
    Elles suintent seulement au miroir
    Des songes, des mots jetés en pâture
    Et qui sourdent du Moi certains soirs
    Volés à la griffe de la temporelle créature

    Notre étoile tombera, le sais-tu ?
    Un jour ou peut-être une nuit, pourtant
    Comprendrons-nous que nous ne sommes plus
    Où l'étreindrons-nous encore mille ans ?
    Cette cruelle brume de vie évanouie, sans plus
    Dans l'esquisse de nos gestes évaporés au Temps.

    Ligeia


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  • Murmures

    Au bord de mes songes ce soir, je suis amarrée, contemplative, entre deux eaux.
    Le rêve a ennué ma réalité, les voiles diaphanes autour du grand lit murmurent une mélodie étrange, des pulsations ivoirines. Le temps m'emporte, je suis à nouveau là-bas... murs blancs, écrans froids, effluves écœurants, perfusions.
    Quelque chose de moi y est resté, ce sera toujours comme ça.
    Goutte-à-goutte, silence, murmures...
    Le rêve m'étreint à nouveau, mes yeux minéraux crèvent la nuit.
    Je vole au-dessus de ce corps étendu que je reconnais trop bien, ce visage qui n'a pu que fixer la fenêtre.
    Au-dehors brasillent des étoiles d'onyx, le vent tresse des notes douces, une mélodie de boîte à musique.
    J'aperçois quelques mots gravés sur une pierre à demi-enfouie sous les mousses parfumées.
    Quelques mots que personne ne lit plus... mais cette nuit est cruelle...
     « Je ne suis pas né, je n'ai pas vécu, mais elle m'a aimé »
    Une épitaphe...

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    Le  vent désormais froid soulève les voiles, le murmure se répand, cristallin et entêtant.
    Poème né du silence, rempli de silences, doucereux et effroyable.
    Est-ce l'empreinte d'une vie enfuie, la rémanence de derniers mots ?
    Est-ce la douleur d'une vie esquissée ou celle d'une mort trop lente ?
    Pourquoi ces murmures ? Pourquoi maintenant ?
    Je n'entends pas les mots, je ne comprends pas ces sons diffus,
    Juste leur mélodie agonisante pénètre mon âme avec effroi
    Et cette voix, si fluette, si fine, si jeune...
    Quel caprice du destin t'a arraché à ta vie naissante ? T'en souviens-tu seulement ?
    Petit ange du crépuscule,
    Si seulement ton cœur avait un refuge ...
    Silence glacial.
    Brisé.
    « Tu veux jouer avec moi ? »
    Oublie que tu ne peux pas jouer, que tu ne pourras jamais rire,
    Murmure encore ces sons à mon oreille,
    Si je peux les entendre, ils resteront comme une lettre d'amour adressée à personne.
    Sur ma page blanche, j'essaierai de les traduire...

    Tu voles à travers les ténèbres, tu te fonds dans la rosée, tu perles comme l'absinthe au coin des lèvres enfiévrées d'oubli, tu te caches parmi les herbes folles, tu flottes, nimbé de lumière parmi les filaments aquatiques de la lune, tu t'enroules et résonnes au cœur de la stèle abandonnée.
    Tu ne me quittes pas.
    Tu ne me quitteras pas.
    Jamais.

    <o:p> </o:p>
    « Je ne suis pas né, je n'ai pas vécu, mais elle m'a aimé »
    Une épitaphe...
    Celle de l'enfant sans nom.
    Son épitaphe invisible, aucune pierre pour la graver.
    Juste des murmures gravés à même mon cœur, à l'encre écarlate du remords.

    « Je suis mort sans te rejoindre, je ne savais pas ce qu'était la lumière du jour, la chaleur de tes bras... je suis mort sans le savoir, sans même penser que l'oubli se refermerait à jamais sur moi, emplissant ma gorge, embrumant mon esprit comme un venin puissant...
     Si j'avais grandi, j'aurais cueilli le reflet de la lune pour en faire un anneau merveilleux que tous m'aurait envié, je l'aurais accroché à mon épaule pour m'en faire un arc magique ! Ou bien j'en aurais ceint le front adoré de ma reine, mon ange, celle dont les bras ont dû tant me chercher...
    Maman, je suis là encore, je suis là toujours... mais qui le sait à présent ?
    M'entends-tu ?
    Viens jouer avec moi dans la clarté brumeuse de cette lune d'été, toi qui m'a trouvé, ne me crains pas, je suis si triste. Je ne t'emmènerai pas mais ose me regarder, cherche bien mon reflet, il est là dans le miroitement des eaux profondes. Ne me crains pas, mon regard n'est plus vide aurait-il été bleu, aurait-il été vert ?... Désormais,  il reflète celui des anges.
    Approche !  Entends mes pleurs sans larmes, offre-moi un peu de ta chaleur... ne me crains pas, je suis désolé, ne me crains pas et viens jouer... je suis si triste...

    <o:p> </o:p>
    « Je ne suis pas né, je n'ai pas vécu, mais elle m'a aimé »
    Une épitaphe...
    Celle de l'enfant sans nom.
    Celle de l'enfant que j'ai tué.

    Si vous lisez ces lignes, ne vous souvenez pas de moi, seulement de ces murmures qui hantent mes nuits.



    Ligeia


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  • Primavera

    La nascita di una stella nella bellezza della tristezza

    Les jolies cohortes de pétales
    N'ont pas encore leurs couleurs
    Ma mémoire les essaime au matin pâle
    La terre porte encore les pleurs
    D'une rosée sans parfum
    Un deuil en étroits sillons bruns

    Je sais l'attente...

    Le ciel est un pierrot borgne
    Jetant le regard d'un soleil falot
    Au sel aride de ses nuées je lorgne
    Mais il ne pleuvra encore ni eau
    Ni ors, ni graines, promesses de vie
    La douce floressance fait envie

    Je sais l'absence...

    J'invoque la marée salvatrice de l'horizon
    Le frémissement infime de mon décor
    Mais l'hiver est l'épine sans la rose au fond
    Le crépuscule jeté sur mon cœur et mon corps
    Tu auras beau dégringoler dans l'immondice
    Flirter avec je ne sais quelle nuée de vices

    Je sais l'espoir...

    Le renouveau m'infligera des douleurs
    Pour l'instant c'est ce silence qui crache
    Méprisant, sur ma violence et mes douceurs
    L'aube certaine me délivrera de ce cache
    Tu sais, je ne te haïrai jamais
    Simplement parce que je t'ai aimé

    Je sais la renaissance...

    Même si j'ai eu tort de toi à l'hiver qui s'éternise
    Bientôt ce sera ta chute qui m'élèvera
    Je ne saurais même plus pleurer d'être éprise
    En vain, aimante comme jamais tu ne seras
    Mon printemps est à venir, le tien est derrière toi
    De l'autre côté, parmi les cœurs purs, près de moi.
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    Ligeia

    </o:p>

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  • "Ne couvrez pas de voiles sinistres tout ce qui brille. Scrutez le miroir pour découvrir le fantôme qui s'y cache." (Anne Rice. Le Violon.)

    « Miroir, ô mon miroir, suis-je toujours la plus belle ? » (rire cynique...)

    Me pavanant devant la face froide et vierge d'une longue psyché, j'y cherchais mon présent mais c'est le passé que j'entrevis par les fenêtres mouillées de mes yeux
    Echappée saine et sauve de ce monde qui glisse lentement vers demain,
    Dans un songe, sanctuaire figé en dehors du temps,
    Une enfant, aux prunelles brillantes, songeuses, boudeuses,
    Reflet de son père, cherchant ce père.
    Bâton de misère d'une mère-enfant qui refaisait le chemin à l'envers.
    J'y cherchais alors la malaimée, l'enfant repoussée, grandie trop vite par l'absence et la culpabilité.
    Disparue. Reléguée dans un angle mort.

    Derrière un reflet mouvant, j'aperçus enfin la bête, la jeune fille animale, changeante, si pâle et trop maquillée. Vénéneuse fleur aux sombres pétales qui croyait cacher son cœur dans une prison de rêves maudits, de jouissances vaines et d'apparences trompeuses.
    La poupée, je la revoyais alors avec colère et désespoir... poupée cassée, maintenue, saccagée, bâillonnée, livrée aux assauts du sourd monstre qui hante encore les cauchemars de ses quinze ans.

    Encore floue, à travers le vaporeux fluide de larmes naissantes, j'entrevis la future mère modèle. Cristallisée dans un monde où tout désir d'écart est coupable. Transformation.
    Ma volonté s'est heurtée au métal froid des convenances.
    Toujours une poupée... mais corps exsangue et cœur en carence, une chose glacée et futile, instrument mécanique enserrant mes chairs et mon âme.

    Que suis-je devenue ?
    En ce tête-à-tête ténébreux et limpide avec mon reflet, je voudrais revenir vers Moi.
    Purifiant tout ce que je suis aujourd'hui. Purifiant la plaie qui m'empêche d'aimer...

    La Trahison !

    Pourrais-je avoir encore la Beauté de la Bête ?
    Pourrais-je émouvoir sans briser malgré moi un être éperdu dans mon décor intime ?
    Pourrais-je encore supporter ce doigt sur ma bouche qui intime le silence à des cris sans voix ?
    Diaprée de lumière lunaire, je crûs soudain vieillir de cent ans, et c'est en me raccrochant à ces yeux familiers sans visage que je ne sombrais pas dans le vertige éternel, celui de la Peur ancestrale de notre finitude. Je n'étais que le jouet du temps et du mensonge.

    Fermant, puis rouvrant mes paupières fatiguées, je détachais mon regard de lui-même et le laissait reconstruire le monde autour de nous. Tout était à sa place. Mais quelque chose avait changé pourtant : je connaissais la Vérité...

    Je me contemplais à nouveau, moi, seules, dans ce miroir.

    Ligeia


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